COMPRENDRE
LES
ELECTIONS EN
GRANDE BRETAGNE
Archive : Mai
2010:
Jeudi
6 mai la Grande Bretagne a voté. Au bout de longues
tractations, un nouveau gouvernement a émergé. La
Grande Bretagne est
désormais gouverné par une coalition entre les
Conservateurs et les
Libéraux Démocrates.
David
Cameron et le gouvernement de coalition
►
Voir
aussi: Les
grandes lignes du programme du gouvernement Cameron
Six jours après les
élections du 6 mai, la Grande
Bretagne a un nouveau Premier Ministre, et la couleur du nouveau
gouvernement est enfin connu. Après l'échec des
négociations entre
Travaillistes et Lib-Dems, Gordon Brown a tiré la seule
conclusion
possible, et mardi à 20h15 est allé au Palais de
Buckingham pour donner
sa démission à la Reine. Une heure plus
tard, dans une
relative discretion, le leader Conservateur David Cameron arrive au
Palais dont, vingt minutes plus tard, il sort en tant que Premier
Ministre. La passation du pouvoir s'est faite, sans
cérémonie, sans
feux d'artifice, sans public, dans le cadre restreint d'un salon du
Palais de Buckingham. C'est comme ça que cela se fait depuis
des
siècles.
A partir d'aujourd'hui, l'Angleterre et avec elle la Grande Bretagne
est dirigée par un gouvernement de centre-droite
mené par David
Cameron, 43 ans, plus jeune Premier Ministre en presque deux cent ans,
depuis Lord Liverpool en 1812; à son
côté au poste de vice premier
ministre Nick Clegg, également âgé de
43 ans, leader du parti Libéral
Démocrate.
L'alliance entre les deux leaders sera
sûrement plus facile que celle qui réunit
désormais les deux partis.
Elle cest certainement plus facile entre ces deux contemporains, tous
deux néophytes en matière de gouvernement, que
n'eût été un accord
entre Clegg et le poids-lourd Brown avec ses treize ans
d'expérience
comme ministre ou premier ministre. Avec Cameron, Clegg peut
espérer
être traité en partenaire plus ou moins
égal; avec les Travaillistes il
aurait toujours été le cadet. On commence
à comprendre les raisons qui
ont donné naissance à cette nouvelle alliance que
de nombreux
commentateurs et élus considèrent comme
fondamentalement contre-nature.
Cameron appartient à l'aile
modérée du parti
Conservatives. Ancien élève du plus
célèbre collège privé
d'Angleterre,
Eton (qui compte parmi ses anciens èlèves pas
moins de 19 premiers
ministres), Cameron est diplômé en politique,
philosophie et économie
de l'université d'Oxford. Après Oxford, il s'est
immédiatement immersé
dans le monde de la politique, devenant chercheur puis conseiller au
parti Conservateur. Depuis 2001 il est député de
la circonscription de
Witney, près d'Oxford. Son monde est très
anglocentrique et cela
beaucoup trop pour les Ecossais. Les Conservateurs n'on qu'un seul
député pour toute l'Ecosse.
De son côté,
Clegg,
qui appartient plutôt à la tendance
centriste au sein des
Lib-Dems, présente beaucoup de similitudes; ancien
élève d'un autre
collège privé historique, le collège
de Westminster, il est diplômé en
Anthropologie sociale de l'université de Cambridge. Mais
à la grande
différence de Cameron, il a eu une carrière
très internationale,
ayant vécu en Allemagne en Finlande en Belgique et
en
Autriche, ayant étudié au Collège
d'Europe et à l'Université du
Minnesota, et ayant été
Eurodéputé. Sa mère est
hollandaise,
et son épouse espagnole. Il parle cinq langues, dont le
français.
Reste à faire travailler
ensemble les
deux partis pour former un
gouvernement stable; et ce sera beaucoup plus difficile. Le
parti
Conservateur n'est pas homogène; au contraire c'est une
confédération
de toute la droite démocratique britannique, une gamme assez
large de
colorations politiques allant de la droite réactionnaire et
nationaliste au centre modéré à
tendance "one nation Conservatisme", ce
conservatisme social forgé au dix-neuvième
siècle par le grand premier
ministre Benjamin Disraëli et décrié au
temps de Maggie Thatcher.
Beaucoup de ceux qui se situent à la droite du parti sont
plutôt
inquiets des concessions accordées par Cameron pour pouvoir
forger une
coalition; baisse de l'impôt sur le revenu uniquement pour
les plus
faibles revenus, pas de hausse du seuil de taxation des
héritages,
politique éducative en faveur des zones
défavorisées, promesse d'un
référendum sur le changement du mode de scrutin.
Pour de nombreux
Conservateurs purs et durs, ce sont des mesures difficiles à
avaler.
Côté Lib-Dems, les
grincements de dents sont
presque audibles. Pour l'aile gauche du parti Lib-Dem, l'alliance avec
les Conservateurs est une abérration: l'aile gauche
du parti
Lib-Dem est ant-nucléaire, interventionniste, et
très favorable à des
politiques économiques redistributives -
idées inacceptables
pour de nombreux Conservateurs. Les Lib-Dems sont aussi le parti le
plus europhile, alors que les Conservateurs, et même Cameron,
sont
relativement - et pour certains très - eurosceptiques.
On voit mal durer une telle alliance.
Les Lib-Dems pourront avoir la satisfaction d'avoir obtenu, pour la
première fois en 70 ans, des portefeuille de ministre, et
d'avoir au
moins empêché les Conservateurs de mettre en place
quelques unes de
leurs promesses électorales - prix payé par
Cameron pour faire accepter
la coalition; mais passée la période de lune de
miel, qui sera
peut-être de très courte durée, ils
devront sûrement déchanter dès lors
que les pressions sur Cameron au sein de son propre parti deviennent
plus forte que celles de l'alliance – ce qui ne tardera pas
à se
produire.
Nul ne peut prévoir
l'avenir. Il est
possible que Cameron et Clegg réussissent à
galvaniser autour de leur
projet commun le soutien politique et populaire nécessaire
pour réussir
même pendant les années difficiles qui sont devant
nous; mais la
possibilité d'un échec, voire même d'un
échec retentissant, n'est pas à
exclure. Loin s'en faut.
Les bookmakers anglais prennent
déjà
des paris sur la longévité de la coalition entre
les Conservateurs et
les Libéraux Démocrates; entre quelques semaines
et quatre ans. Après,
les Britanniques seront rappelés aux urnes. Si l'on en croit
le
pronostic de Mervyn King, gouverneur de la Banque
d'Angleterre, on verra à ce moment que les grands gagnants
de cette
élection de 2010 auront peut-être
été les perdants. Les membres
hauts-placés du parti Travailliste qui ont oeuvré
pour faire échouer
les négociations pour former un gouvernement "progressiste"
avec Labour
et les Libs Dems ont sûrement fait leurs calculs....
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grandes lignes du programme du gouvernement Cameron