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Mise à
jour au 5 juillet 2024
Les
élections législatives britanniques ont eu lieu le 4 juillet
2024.
Les Conservateurs, au pouvoir depuis 2010, ont été balayés du
pouvoir par le Parti Travailliste de Sir Keir Starmer.
- Les Travaillistes
bénéficient désormais d'une majorité écrasante à la Chambre des
Communes, où ils ont obtenu 412 des 650 sièges.
- Les Conservateurs
n'en
conservent que 121.
- Le Parti Libéral-Démocrate,
parti du centre, fait une percée remarquable avec 72 sièges, son
meilleur score depuis un siècle.
- Le parti
Reform
UK, parti
d'extrème droite successeur de
l'ancien Brexit Party, lui-même héritier de l'UKIP, a obtenu 14% des
voix et 5 sièges au parlement.
- Les Verts
ont quadruplé leur représentation au parlement, en emportant quatre
sièges
- Le Parti
Nationaliste Ecossais a perdu les trois quarts de ses
sièges, surtout au bénéfice des Travaillistes.
Pour les
Conservateurs, réélus en 2019 sous Boris Johnson avec une majorité
écrasante, la défaite cinq ans plus tard a été une pilule très amère.
Mais elle est la conséquence inéluctable de l'usure du pouvoir et de
l'éclatement du parti dont les ruptures internes se sont amplifiées
depuis la malencontreuse décision du premier ministre David Cameron
d'organiser un référendum sur le Brexit en 2016.
Le sujet du
Brexit a peu figuré
dans les débats en 2024 ; il a déjà profondément endommagé
et le parti
Conservateur
et
le parti Travailliste. Tous deux restent sérieusement divisés
sur le sujet et souhaitent éviter de rouvrir les blessures des
dernières années. Comme disait Boris Johnson, "le Brexit est
fait." Point.... Mais le Brexit n'est pas complètement "fait", et ce
qui est fait peut être défait.
Néanmoins le nouveau Premier Ministre,
Keir Starmer, a déjà fait savoir
qu'il ne remet pas en cause le Brexit. Toutefois il y a désormais une
nette majorité de personnes dans son parti, comme dans le pays,
qui pensent que le Brexit a été une grande erreur.
Cet "éléphant dans la pièce" (ou selon l'ancien leader
Travailliste Neil Kinnock "le mammouth dans le placard"), est un sujet
qui
sous-tendra
invisiblement la vie politique en Grande Bretagne pendans les années à
venir.
Mode de scrutin
Au Royaume Uni, le mode de scrutin n'a
pas évolué. On utilise toujours le système historique appelé "first
past the post".... comme dans une course où le gagnant est tout
simplement le premier au pôteau. Il n'y qu'un seul tour, et
il n'y a aucune représentation proportionnelle. Le système convenait
très bien à une époque où il n'y avait sur l'échiquier politique que
deux ou trois grands partis, car il favorise les grands partis, au
détriment des petits. Par contre c'est un système électoral moins bien
adapté à un paysage
politique avec de nombreux petits partis.
On cite souvent comme avantages de ce
système de scrutin, qu'il favorise la formation de gouvernements
stables, qu'il empêche le fractionnement de ces grands
partis en petits partis, et qu'il décourage la création de partis
cultes
autour d'ambitions personnelles.
Comme désavantages, on cite surtout que
le système concentre le pouvoir entre deux grands partis qui se le
partagent en alternance, et rend très difficile la percée de tout autre
parti. Sans aucune dose de représentation proportionnelle, il permet
régulièrement la formation de gouvernements bénéficiant du soutien de
moins de 40% des électeurs, en laissant un autre tiers avec quasi
aucune représentation au parlement.
Depuis quelques années, et en
particulier aux élections législatives partielles, on constate un
développement du "vote utile". Grâce aux réseaux sociaux locaux et à
l'Internet, de plus en plus d'électeurs votent pour le candidat le plus
en mesure de battre le candidat du parti dont ils ne veulent pas.
Ainsi, depuis 2019 les Conservateurs n'ont gagné qu'un seul siège lors
d'élections partielles, mais en ont perdu 11, y compris dans des
bastions réputés inassailables.
Les choix en 2024
Comme depuis un siècle, la plupart des électeurs britanniques ont pu
choisir entre les deux grands partis historiques du pays, les
Conservateurs sur la droite, et les Travaillistes sur la gauche. En
Ecosse et au Pays de Galles, les scrutins ont été largement
triangulaires voire quadrangulaires avec la présence de candidats
nationalistes et les centristes du parti Libéral Démocrate
(LD) ;
les scrutins ont été également triangulaires ou quadrangulaires en
Angleterre, dans les circonscriptions où les LD ou les Verts ont une
implantation forte. En Irlande du Nord, le scrutin opposera
essentiellement les partis Unionists favorables au maintien de l'Ulster
au
sein du Royaume Uni, et les Nationalistes favorables à la réunification
de l'Irlande.
Un
nouveau parti
d'extrème droite, Reform, a aussi fait une percée remarquable,
emportant quatre sièges; mais sa présence a largement contribué
ailleurs à la défaite de candidats conservateurs en divisant la droite.
Les partis
Les Conservateurs en 2024
Le Parti Conservateur britannique est historiquement un parti
à base large,
couvrant toute la droite de l'échiquier politique en Angleterre. Y
cohbitaient - et cohabitent encore dans une certaine mesure - toutes
les tendances de la droite, allant des néo-libéraux aux nostalgiques
nationalistes et aux sociaux-conservateurs du centre droite.
Jusqu'en
2016 les conflits internes du parti se crystallisaient depuis un
demi-siècle autour de la question de l'Europe; et si le parti restait
aux mains du centre droite pour qui l'avenir de la Grande Bretagne
était au sein de l'UE, les dissidences mençaient toujours l'unité du
parti. Ce fut pour mettre fin à ces dissidences internes que
le premier
ministre d'alors, David Cameron, avait décrété un référendum national
sur la question du maintien ou non de la Grande Bretagne au sein de
l'Union européenne. Son Gouvernement, tout comme l'opposition
Travailliste, étant favorable au maintien (le "remain"), Cameron
n'imaginait pas un instant que les protagonistes du Brexit
l'emporteraient.
Ainsi
au lieu
de mettre fin aux divisions internes du Parti Conservateur, le
Référendum les a amplifiées. Depuis la démission de Cameron, et
jusqu'en 2019, le parti peinait à gouverner
et surtout tournait en rond sur la mise en place du Brexit demandé par
"le peuple" (37% des électeurs inscrits). Les mesures
radicales demandées par l'aile droite du parti étaient toujours
édulcorées ou contrecarrées par des alliances éphémères entre
députés Conservateurs centristes, écoeurés par le résultat du
Référendum, et des députés
d'opposition. Ce ne fut qu'en 2019, avec la désignation de
Boris
Johnson au poste de chef du parti et ainsi
de Premier Ministre, que l'impasse s'est dénouée. Surfant sur une vague
de
populisme et de promesses, Johnson a mené les Conservateurs,
quoique partiellement abandonnés par leur électorat et leurs anciens
députés
centristes, a une victoire écrasante aux élections législatives de 2019.
Quatre ans et demi plus tard, le parti du populisme
et des promesses a perdu son éclat. Si le Covid a accéléré la chute
politique de Johnson, contraint à la démission des
postes de Premier Ministre et même d'élu, les multiples déboires de
députés Conservateurs, ainsi que les 49 jours catastrophiques du mandat
de son successeur Liz Truss, ont fini par briser en éclats la
réputation de compétence dont jouissait autrefois le parti. Désigné en
2022, le premier ministre actuel Rishi Sunak n'a rien pu faire pour
remonter les fortunes du Parti Conservateur qui reste, au printemps
2024, au plus bas dans les sondages.
Si
les médias de droite, menés par le
Daily Mail, le Daily
Express et le
Daily Telegraph,
maintiennent malgré vents et marées leur soutien
idéologique au Parti Conservateur, le public britannique ne suit pas.
Tiré par son aile droite toujours eurosceptique, néolibéral et
réactionnaire, et bouleversé par des scandales de moeurs et de trafic
d'influence, le parti a perdu beaucoup de crédibilité auprès de la
classe moyenne des régions rurales et périurbaines du sud de
l'Angleterre où, depuis 2020, il a perdu une suite d'élections
partielles dans des bastions considérés jusque là comme intouchables.
Ainsi,
le parti Conservateur qui se présentera aux élections de 2024 ressemble
peu au parti qui avait été réélu sous David Cameron en 2015, et même
assez peu au parti réélu sous Boris Johnson en 2019. Malgré
l'expérience désastreuse pour l'économie britannique des sept semaines
de gouvernement néo-libéral de Liz Truss en 2022, malgré tous les
problèmes insolubles dûs au Brexit, malgré l'inflation, l'augmentation
de la pauvreté, et la baisse générale du niveau de vie des
Britanniques, le parti reste ancré idéologiquement à droite, mettant en
avant comme thématiques électorales l'immigration, la lutte contre le wokeisme
(libéralisme social ou socialisme libéral), et la baisse des impôts.
Cela plaît aux militants
du parti, comme à l'électorat
d'extrème droite ou susceptible aux promesses populistes, mais ne
suffira pas pour faire gagner une élection.... au contraire.
En avril 2024, le Dr Dan Poulter, député et ancien ministre de
la
santé, a démissionné du parti Conservateur pour rejoindre le parti
Travailliste, en déclarant au journal Observer
: « J'ai l'impression que le parti Conservateur est passé d'un parti
pragmatique de centre-droit, attaché aux services publics et au rôle de
l'État et les comprenait, à
[...] un parti nationaliste de droite. » Poulter a été député
Conservateur pendant 14 ans.
Reform
Les déboires électorales du Parti Conservateur en 2024 ont
été largement amplifiées par l'émergence depuis 2021 d'un
nouveau parti
populiste de droite nommé Reform. Au fait, Reform est la dernière
métamorphose d'un parti souverainiste et nostalgique, et de son leader
ultra populiste Nigel Farage qui depuis 1997 essaie de dépasser les
Conservateurs sur leur droite. C'est en 1997 que Farage prend le
contrôle du petit parti eurosceptique nommé UKIP, qu'il transforme en
machine de guerre pour exiger un référendum.
Après la
victoire du "oui" au référendum sur le Brexit, Farage quitte l'UKIP
(qui existe
toujours) pour créer le Brexit Party. Par la suite le
parti change de nom pour devenir Reform UK en 2021. C'est un
parti qui défend
les causes libertaires et populistes.
Les Travaillistes
Jusqu'aux élections de 2024, la
traversée du désert du parti Travailliste durait depuis sa défaite aux
élections législatives de 2010, et cela magré les déboires du
Parti Conservateur au pouvoir. Traditionnellement le parti principal
d'opposition bénéficie de toute division ou
scandale au sein du parti de gouvernement au parlement britannique.
Ainsi en 2015, après cinq ans
de gouvernement de coalition pas très populaire entre Conservateurs et
Libéraux-Démocrates, les Travaillistes auraient dû pouvoir
emporter haut la main les élections. Ils ont échoué, notamment à cause
de la perte de 40 sièges en Ecosse au bénéfice du parti nationaliste,
et d'un score bien en deça des attentes en Angleterre.
C'est pourtant par la suite que le parti a connu ses pires années. En
2015, le parti a désigné comme leader Jeremy Corbyn, candidat
de l'aile gauche. Si le choix de Corbyn a bien plu aux
militants, la désignation du leader le plus à gauche de l'histoire du
parti n'a pas permis aux Travaillistes de profiter des
déboires du
parti Conservateur suite au Brexit. Au désespoir des électeurs de
centre gauche, Corbyn est resté très neutre sur le Brexit au moment où
les Conservateurs s'entre-déchiraient sur la question, et en 2017 les
Travaillistes - tout en augmentant légèrement leur nombre de députés -
ont perdu les élections législatives en faveur des Conservateurs, pour
la troisième fois consécutive. Deux ans plus tard, en 2019, ils ont
perdu pour la quatrième fois – cette fois-ci très largement – face à un
parti Conservateur dopé par les promesses et le populisme de Boris
Johnson. Malgré l'impopularité de Johnson (qui au moment des élections
bénéficiait d'une côte de popularité de seulement 35%), les
Travaillistes ont perdu 60 sièges de député, leur plus faible score
depuis 1935.
Depuis 2020, le parti s'est
recentré
sous le
contrôle de Sir Keir Starmer, et a entamé une lente renaissance.
Venu tardivement à la politique, Starmer était autrefois Procureur
Général et avocat sécialisé en droits de l'homme. Peu à peu il a su
réaligner la politique du parti vers le centre gauche au point où –
enfin – il l'a rendu à nouveau crédible aux yeux d'un électorat du
centre qui l'avait abandonné pendant les années Corbyn.
Ainsi depuis le débacle des Conservateurs pendant et après les
derniers mois du gouvernement Johnson, le parti Travailliste a réussi à
consolider une confortable avance de l'ordre de 20 points dans les
sondages d'opinion.
Sur la question du Brexit, Starmer (qui avait
pourtant fait campagne contre en 2016) a voulu rassurer une partie de
l'électorat britannique en excluant tout retour de la Grande Bretagne
au sein de l'Union européenne. Pourtant, selon les derniers
sondages, 78% des électeurs qui votent Travailliste pensent que le
Brexit était une erreur, point de vue partagé par de nombreux députés.
Ce n'est qu'au cours des mois, voire des années, à venir que se
dessinera plus clairement la
vraie politique des Travaillistes en matière de réparation des rapports
avec l'Europe. Starmer a promis de reconstruire des ponts avec
l'Europe, et de réamorcer l'économie britannique, tout en excluant même
de ramener le pays dans le Marché Unique. Cependant, de nombreuses
études ont montré que l'économie britannique serait dopée par la
réadhésion du pays au Marché Unique.
Le parti Libéral Démocrate
Le parti Liberal Democrat (LD) est le
troisième parti historique dans le paysage politique britannique. C'est
le décendant direct du parti Whig formé à la fin du dix-septième
siècle, devenu parti Libéral au 19e siècle et parti Libéral Démocrate
en 1988 après sa fusion avec le parti Social Démocrate
SDP..
A la fin du 20e siècle, alors
que Conservateurs et Travaillistes décevaient une
partie croissante de leur base électorale, les LD ont commencé une
percée, emportant 46 sièges de député aux élections de 1997
et jusqu'à 62 en 2005. En 2010, le parti a emporté 52 sièges de député,
lui permettant de déterminer la couleur du gouvernement suivant, car ni
les Conservateurs ni les Travaillistes ne bénéficiaient à eux seuls
d'une majorité.
Au grand dam de nombreux de ses
électeurs, plutôt de centre gauche, le leader d'alors Nick Clegg a
choisi d'entrer en coalition avec les Conservateurs, promettant de
servir de force d'équilibre contre l'aile droite du parti Conservateur.
Si, objectivement, les LD ont pu faire appliquer pendant ces cinq
années de coalition une partie non-négligeable de leur programme, ils
ont échoué sur une promesse clé et très chère à de nombreux électeurs,
à savoir d'abolir les importants frais d'inscription universitaires mis
en place par les Conservateurs. Ce fut un désastre pour le parti, et
aux élections de 2015 les LD n'ont pu sauver que 8 sièges de
député, contre 57 au parlement précédent.
C'est ainsi que le plus
Europhile des grands partis britanniques fut largement absent de la
Chambre des Communes au moment où la question du Brexit focalisait tout
le débat politique en Grande Bretagne. Depuis bien avant le Référendum
de 2016, les LD clament haut et fort que la place du Royaume Uni est au
sein de l'Union Européenne ; depuis c'est le seul des grands partis à
avoir fermement maintenu sans fléchir cette position pro-européenne,
préconisant le maintien du pays au sein du Marché Unique, et sa
réadhésion dès que possible à l'Union.
Au
printemps 2024, et alors que les sondages indiquent que la proportion
des
Britanniques souhaitant la réadhésion du pays à l'UE dépasse désormais
largement ( autour de 15 points) ceux qui souhaitent poursuivre
l'aventure du Brexit, le parti a concentré ses efforts électoraux sur
les
régions rurales et périurbaines du sud de l'Angleterre et sur les
jeunes électeurs bien plus europhiles que les plus âgés.
Au lendemain des
élections
Les Travaillistes seront au pouvoir jusqu'en 2029, avec une écrasante majorité à la Chambre des Communes.
Les
Conservateurs, au plus bas dans les sondages, ont perdu les deux tiers
de
leurs sièges, pour se retrouver avec une représentation historiquement
basse au prochain parlement ; déjà largement sous
influence de son aile droite, le parti entamera
vraisemblablement un virage
encore plus à droite sous la direction d'un nouveau leader, peut-être
Suella Bravermann.... voire même d'un Nigel Farage qui aurait réintégré
le parti avec ou sans le parti Reform.
Quant aux Libéraux Démocrates, le virage
encore plus à droite des Conservateurs leur permettra enfin de se
positionner comme seul parti d'un large centre socio-libéral,
social démocrate et europhile, en mesure de servir d'opposition
effective aux
Travaillistes (ou aux Conservateurs) après les prochaines élections
suivantes,
prévues en 2029.
La
question épineuse des relations du Royaume Uni avec l'Union Européenne
sera traitée avec plus ou moins d'urgence, et plus ou moins de
détermination. S'il est peu probable, voire exclu, que le Royaume Uni
rejoigne à nouveau l'UE avant la fin du prochain parlement, une
réintégration de fait - complète ou partielle - au sein de nombreuses
structures
européennes, y compris du Marché Unique, paraît envisageable.
Andrew Rossiter
Maître de conférences en civilisation britannique